Frédéric Martinez - fondateur de l'agence web e-commerce PH2M

15 mai 2014
Frédéric Martinez
‘‘Vous connaissez la logique du kanban, une méthode de management de projet mise au point dans les années 50 au Japon dans les usines Toyota ?’’

Vous googlelisez-vous souvent ?

Plus maintenant, car Google Alertes le fait pour moi. J’ai utilisé Mention un certain temps, mais j’ai abandonné : j’avais beaucoup d’homonymes qui polluaient les résultats de l’outil, le rendant donc inexploitable. En 2009, au lancement de mon blog dédié à Magento, je vérifiais tous les jours où il était positionné sur Google. J’étais très loin lorsque je recherchais « Frédéric Martinez ». Et puis, petit à petit, à force de créer du contenu qualitatif, j’ai fini par dépasser mes concurrents. Conclusion : le bon contenu m’a fait gagner la bataille de la visibilité !

Votre première fois sur internet ?

C’était à la fin des années 90, à la vitesse de 56ko/seconde. Je devais avoir une dizaine d’années et, comme tout le monde, je me suis créé une adresse Caramail, je chattais sur Wanadoo… On ne parlait pas encore de Google, mais d’Altavista. Lorsque Google est arrivé, on a pu sortir des services type portails et enfin arriver à trouver de nouvelles sources d’informations et de contenus. Par exemple, à l’époque, je faisais des playlistes : cela me prenait 2 heures pour n’arriver à obtenir qu’un seul MP3. Le PeerToPeer était encore balbutiant : il fallait trouver le site ou le blog qui proposait la bonne chanson à télécharger. Fastidieux !

Un site ?

Stack Overflow, un site de questions/réponses ciblant les développeurs, les ingénieurs, et plus généralement tous les acteurs de la programmation informatique. Pour le développeur que je suis, c’est une mine d’or : dès que j’ai une question technique, je sais qu’il y aura toujours quelqu’un qui aura trouvé la bonne réponse pour moi. Ce service d’entraide, c’est ce que Wikipédia n’arrive pas à faire : mobiliser des experts pour produire le meilleur contenu possible. Là où Wikipedia est limitée (contenu sans cesse modifié, expertise relative des contributeurs), Stack Overflow apporte une réponse concrète à une problématique et garantit, si l’on peut dire, l’expertise du contributeur.

Le système repose sur la réputation des auteurs d’une réponse : le lecteur vote pour la qualité de la réponse, son auteur gagne des points de réputation. Enfin, des badges sont attribués à chaque contributeur : on peut ainsi connaître son domaine d’expertise technique, son comportement communautaire.

J’y vois un gain de temps indéniable : lorsque l’on fait une recherche sur un forum, une question appelle dix pages différentes ! Il devient alors très difficile de se faire une opinion. Ce genre de service tuera certainement les forums techniques, mais pas seulement, car le système est adapté à toutes sortes de thématiques : le voyage, la santé, l’automobile, les animaux…

Un outil ?

Jira, ou n’importe quel autre outil de gestion de projet, car avec une feuille de papier et un stylo, on a vite fait d’oublier la moitié des tâches à accomplir. Au départ, ce genre de logiciel est dédié aux développeurs, mais il permet aussi d’attribuer des tâche à l’ensemble des collaborateurs d’une entreprise, de suivre leur progression dans le temps et de les clôturer. On peut très bien appliquer l’outil à n’importe quel projet interne, quelle que soit sa durée de vie : la gestion clients, les processus de commandes, etc. Vous connaissez la logique du kanban, une méthode de management de projet mise au point dans les années 50 au Japon dans les usines Toyota ? C’est ce même principe de to do list intelligente qui peut s’appliquer aux tâches de tous les jours comme à la durée de vie d’une commande sur un site e-commerce.

Un projet, un exemple, un acteur à suivre ?

Je suis de très près l’évolution des imprimantes 3D et des Fab Labs. C’est une vraie révolution de pouvoir reprendre la main sur la création d’objets du quotidien. Dans 10 ans, ce sera énorme !

Pour ce qui est du web, je préfère ne pas me prononcer car il est devenu impossible de prédire quel acteur émergera ces prochaines années. Prenez l’exemple de Google : qui aurait pu dire il y a 15 ans que ce serait, de loin,  le premier moteur de recherche, et que ses revenus dépasseraient ceux des plus grosses multinationales ?

Ce que vous détestez sur internet ?

Dans « le monde réel », celui qui parle le plus fort, qui monopolise la parole ou semble apporter le plus d’arguments, passe toujours pour celui qui a raison. Je pensais qu’internet allait faire taire ce genre d’individu… mais le media a décuplé leur pouvoir ! Plus un contenu est vu, plus il a de votes et de « like », plus on estimera que son auteur a raison. Le vote enlève un peu notre libre arbitre.

Autre point, l’histoire du web est pavée de success stories. Les gens sont donc persuadés qu’ils vont devenir riche en se lançant dans le e-commerce, que leur projet initial soit structuré ou non. Mais c’est loin d’être suffisant : l’essentiel est surtout d’être bien entouré et conseillé. Une excellente idée n’est pas forcément indispensable : pour un Twitter ou un Facebook, combien de start-ups de génie ont vue le jour puis disparu ?

Contribuez-vous personnellement à internet ?

Oui, j’ai un blog, lancé alors que j’étais stagiaire chez Systonic Toulouse. Comme je l’ai dit plus tôt, j’étais agacé par le fait de trouver sur les forums 20 réponses différentes à mes questions. J’ai donc apporté mes propres réponses sur ce blog et je les ai enrichies en fonction des commentaires de mes lecteurs. Maintenant je ne prends plus le temps de publier de nouveaux billets : j’ai trop de travail, donc moins de temps. Pourtant, c’est ce blog qui m’a fait connaître, m’a donné de la légitimité, et m’a permis d’obtenir mes premiers contacts professionnels, puis de créer ma société, recruter, me développer.

L’internet de demain, vous le voyez comment ?

Toujours plus d’objets connectés, mais c’est prévisible avec le développement de lieux de recherche et de création numérique tel le Fab Lab de Toulouse.

Mais j’ai surtout une crainte : que les gros acteurs comme Google monopolisent le web en rachetant toute start-up qui a une idée originale. On arrivera alors à une pensée unique de l’internet. Les chances qu’une start-up éclose, se développe, soit assez attractive pour recruter de nouveaux talents risquent d’être amoindries. Le web devient une énorme industrie et, comme toute industrie, moins de place est laissée aux petits. Je peux cependant le comprendre. Une entreprise comme Total, qui doit répondre aux besoins énergétiques de tous, doit nécessairement agréger un nombre important de compétences en interne au détriment d’autres entreprises. Et on est en train de voir la même chose se produire sur le web.

Quel métier web conseilleriez-vous à votre fils ou à votre fille ?

Je lui conseillerais de choisir un métier où la créativité pourra s’exprimer : graphiste, développeur, ingénieur. Ces métiers permettent de créer quelque chose de tangible, dont on peut être fier et qui nous permet de vivre. Il est plus facile pour ces fonctions d’avoir de la visibilité et de valoriser leur travail que pour un artiste classique. Et puis, dans l’informatique , il y a du boulot pour tout le monde !

Ensuite, je l’inciterais à avoir une solide formation. Je suis moi-même autodidacte sur certains points, mais aussi ingénieur. C’est cette formation théorique qui m’a permis d’avoir le choix dans mes orientations professionnelles. Je me serais sinon heurté à des murs infranchissables pour créer mon entreprise.

3 conseils que vous donneriez à un directeur marketing

1. Faîtes confiance aux consultants qui vous accompagnent : vous gagnerez en visibilité sur internet, en temps et en argent. Souvent nous nous heurtons à des responsables marketings aux idées bien arrêtées… valables dans les années 90. Et le problème central est qu’ils ne nous écoutent pas.

2. Sous-traitez les chantiers liés à la visibilité et à l’acquisition : création de contenus, lead marketing, référencement naturel et payant, community management. J’ai remarqué que peu d’entreprises avaient les compétences nécessaires en interne pour communiquer sur le web. La communication classique est parfaitement maîtrisée, mais ils n’en font que de la déclinaison sur le web. Quand elles ont les bonnes compétences internes, ces chantiers ne sont jamais des priorité, faute de temps et de volonté.

3. Comprenez que les applicatifs open source (les cms type WordPress, Magento, Drupal) sont les éléments de base de votre site et que toute option nécessite un développement supplémentaire. Et cela a un coût. Acheter un site internet, c’est comme acheter une voiture, vous devez payer pour avoir les options. Lorsque les entreprises auront compris cela, cela simplifiera grandement leurs relations avec leurs prestataires web. Et ces entreprises là gagneront de l’argent à comprendre ce qui est standard, et donc à éviter de lancer des développements spécifiques sur des fonctionnalités déjà existantes.
A l’inverse, vouloir modifier tout le système pour une évolution mineure, engendre un coût important pour peut-être pas grand chose.
Au final, il ne faut pas se focaliser sur la technique mise en place (qui doit être irréprochable), le mieux est parfois l’ennemi du bien, et le diable se cache dans les détails !
L’important pour un dirigeant d’une boutique e-commerce est d’aller vite, de faire confiance à ses prestataires, de se concentrer sur la négociation avec ses fournisseurs et d’imposer un vision du service client à tous les acteurs de son entreprise – du SAV au stagiaire en pensant par le référenceur et le logisticien.

A propos de Frédéric Martinez :
Ingénieur informatique de formation et surtout développeur dans l'âme, Frédéric Martinez a fondé l'agence toulousaine PH2M, spécialisée dans la création de sites e-commerce sous Magento et Prestashop. Vous pouvez suivre Frédéric sur Twitter @FredMartinez et sur son blog dédié à Magento.

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